A) LE VOYAGE À LONDRES

Le document essentiel qui fonde le voyage de Raymond à Londres est le testament de Jean Cremer (ou John Cramer). Or, ce testament, publié pour la première fois par Michel Maier[19], est manifestement apocryphe. Aucun Cremer (ou Cramer) ne figure sur la liste des abbés ou des prieurs de Westminster depuis sa fondation. D'autre part, il est curieux de mettre en évidence la confusion qui donna naissance à la fable de ce voyage à Londres. Cette confusion en effet rapporte au règne d'«Édouard roi d'Angleterre» des événements survenus sous les règnes successifs d'Édouard Il, Édouard III et Édouard IV. En 1307, Édouard Il monte sur le trône. Il est roi d'Angleterre à l'époque où Lulle, dit-on, se rendit aux îles Britanniques. Mais la seule mention d'un alchimiste fabriquant de l'or pour le trésor royal date de 1344 temps d'Édouard III; et cette mention, plus tard appliquée à Lulle concernait alors un adepte contemporain Ripley. Enfin, c'est en 1465 seulement, sous le règne d'Édouard IV qu'apparaissent les premiers «Nobles à la Rose» ou Raymondines[20]. Reste l'enrichissement subit et passager d'Édouard Il, enrichissement dont l'histoire a conservé la trace. Naudé consigne le fait et le réduit à ses justes proportions «Les chimistes lui attribuent (à Lulle) la connaissance de la pierre philosophale par une simple métamorphose de l'impôt qu'Édouard fit mettre sur les laines que l'on transportait d'Angleterre en Brabant à la somme de six millions d'or qui lui fut donnée par le chimiste pour faire la guerre contre le turc et les infidèles».[21] Ne parlons pas des expériences de Milan que le Liber Mercuriorum situe en 1333, dix-huit ans après la mort de Raymond!